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4 QUESTIONS A

ESTEFANIA ACIEN GONZALEZ

SOCIOLOGUE, ACTIVISTE, Y PROF. A LA UNIVERSIDAD DE ALMERIA, AUSSI AUTRICE DU LIVRE “NIGÉRIENNES DANS LE PONIENTE. UNE DÉCADE D’ETHNOGRAPHIE”

Merci pour ta disponibilité Estefania. Pourrais-tu nous raconter quelque chose sur ton livre à propos de la prostitution nigériane dans les zones agricoles situées dans le sud de Almeria? 

Je suis rentré en tant que sociologue dans la thématique des études sur la prostitution et la migration à partir de mon intention d’approfondir ces thématiques d’un point de vue académique et sur la base aussi de mon parcours de militante et d’activiste. Ça fait presque 30 ans que je suis militante, depuis 1995.

J’ai travaillé avec la CSP proderechos de Andalousie ( ma prochaine interview ndr ) et on avait été appelé pour connaitre un environnement de prostituées nigérianes qui se situait dans une zone d’agriculture intensive industrielle du sud de Almeria. Elles vivaient et travaillaient dans los diseminados, les vieux logements des agriculteurs construits par eux-mêmes à côté des serres où ils travaillaient. 

Il arrive un moment où l’économie commence à se développer favorablement pour ces agriculteurs qui achètent des appartements dans les centres urbains et qui commencent à louer ces petits  logements aux travailleurs agricoles du nord afrique. 

En Afrique occidental il y a une tradition commerciale très forte qui se fait entre femmes, c’est les femmes qui gèrent les activités commerciales, surtout les petites. Être capable de survivre dans un environnement complexe et précaire à travers le commerce est une stratégie historique et très commune mise en place par les femmes africaines. 

Entre 1997 et 2000 elles commencent à mettre en place des lugares de ocio, des espaces récréatifs pour les travailleurs agricoles présents sur place. Pour deux raisons. Avant tout parce que ces travailleurs n’ont pas de moyens de transport et ils ne peuvent pas donc pas se rendre en ville pour fréquenter des endroits récréatifs mais aussi parce que là-bas ils seraient discriminés. Ces endroits avaient été pensé par des hommes d’afrique occidentale mais finalement ce seront surtout les maghrébins qui fréquentent ces endroits. Ces femmes mettent en place des bar ou pouvoir ecouter de la musique africaine, manger de la bouffe africaine, regarder des films africains..Et finalement elles décident d’offrir aussi des services sexuelles. Avec le temps dans ces endroits ils arriveront aussi beaucoup d’espagnoles. 

La majeure partie de ces femmes, aujourd’hui ils en restent très peu, venaient et viennent surtout de Edo, Benin City, Yoruba, Igbo. Igbo moins car c’est un groupe ethnique très discriminé. Souvent elles arrivent en Espagne en sachant qu’elles feront de la prostitution (mutual agreement). Mais le problème c’est qu’elles croient que cela ne va pas être aussi pénible comme c’est le cas. J’ai pu accumuler pendant 10 ans des informations à ce sujet en faisant de l’observation participante dans le cadre de mon travail associatif et maintenant que j’ai fini ma recherche j’ai des informateurs qui me tiennent au courant de ce qui se passe. 

On avait pas un projet pour ‘’libérer les femmes de la prostitution” mais notre but c’était de satisfaire les besoins qu’elles exprimaient. Aide pour avoir la carte vitale, don de préservatifs, accompagnement aux services sanitaires, accompagnement global administratif.

Les choses ont beaucoup changé maintenant, il y a très peu de femmes nigérianes maintenant et beaucoup d’entre elles ont finalement pu avoir, après de longues années, leurs papiers espagnols ou leurs titres de séjour. En s’ayant professionalisé dans le travail du sexe, beaucoup d’entre elles continuent à faire ce travail et certaines ont mis en place leurs propres maisons closes. 

Pour changer et pour élargir la focale sur la question de ton pays, peux-tu me parler d’une des conséquences des politiques abolitionnistes en Espagne ?

Le problème c’est qu’en Espagne ils veulent montrer qu’ils arrivent à stopper la traite mais finalement ils finissent par en finir avec le travail du sexe autonome. 

Je vais te parler d’une situation très précise. Une des conséquences des politiques abolitionnistes c’est que les propriétaires des espaces web ou on trouve les annonces des tds sont en train de monter considérablement. En Only Fans la concurrence est encore plus forte. 

Dans ce monde il est nécessaire une maîtrise de la capacité à maîtriser ces espèces qui n’est pas à la portée de tous.tes les tds,qui souvent ne connaissent pas la langue, la culture et qui restent donc exclus. Souvent, les femmes qui n’ont pas le moyen de maîtriser la capacité à faire des annonces sophistiquées finissent souvent par travailler par un tiers dans un club de alterne ( voir mon précédent article de la rubrique espagnole à Linda Porn ou dans un appartement). 

L’état est en train de porter prejudice à la prostitution plus basique, celle autonome, qui cherche à gagner sa vie avec le travail du sexe sans devoir faire recours à un tiers. Si elles peuvent travailler seules, elles sont le moyen de choisir les heures de travail, les tarifs, les types de prestation, alors qu’avec un intermédiaire, un proxénète, cela n’est pas possible. On est en train de valider la véridicité de cette hypothèse, de cette dynamique que je viens de te décrire avec les collègues activistes. On est persuadé que cela se passe effectivement ainsi. 

Comment expliquez-vous la prise de position abolitionniste du parti de gauche Sumar ?

Etre à faveur de l’abolitionnisme est plus avantageux au niveau électoral, au moins en Espagne. Je ne pense pas que Yolanda Diaz soit contraire à la réglementation de la prostitution, mais je crois que pour une question d’équilibre politique de son parti elle ne peut pas faire face à la posture idéologique des nombreux représentants communistes dedans Unidas Podemos et dedans Sumar qui ne tolèrent pas la prostitution.

Pour cela, je pense qu’elle porte ce type de discours sans y croire réellement mais il y a des contraintes politiques qui l’amènent à se conformer formellement à cette position. Elle ferait peut-être différemment si elle avait plus d’autonomie. Cette réflexion m’est sugerée aussi en raison de sa forte proximité avec Ada Colau, ex-maire de Barcelone et avec la ex-maire de Madrid, Manuela Carmena, parmi les figures faisant le plus autorité de cette gauche espagnole favorable à la légalisation de la prostitution.

J’espère tout de même que le Ministère pour l’égalité des chances sera attribué à Sumar car le PSOE est un parti encore plus abolitionniste et cela est visible par le discours portés par la ministra de la igualdad de PSOE, Irene Montero, qui répète mécaniquement son discours abolitionniste et ne laisse pas croire à des possibilités d’évolution de la situation. De plus, ce parti se caractérise aussi par un esprit transphobe car les faits de ces dernières années nous racontent .

Quelles sont les communautés migrantes de tds plus répandues aujourd’hui en Espagne et dans quel type d’obstacles juridiques et civiles elles encourent majoritairement?

Il y a un temps où on avait beaucoup de dominicaines, beaucoup de brésiliennes. Le marché était plus exotisé si je puis dire. Je sais qu’ en Almeria les femmes subsahariennes ont énormément diminué, il y a eu un boom durant la première dizaine des années 2000 et après il y a une décroissance très forte de leur présence. 

Dans les blogs dediés au travail du sexe, ils disent qu’il y a de plus en plus de latinoamericaines. 

J’ai la sensation que pour les femmes migrantes le problème du titre de séjour s’est enkysté, qui s’est complètement bloqué. Aujourd’hui pour l’obtention de la régularité de séjour sur le territoire espagnol soit tu te maries avec un espagnol soit tu arrives à avoir un contrat de travail d’un an. Cette dernière option n’existe pas, personne ne fait des contrats d’un an à quelqu’un qui n’a jamais travaillé sur le territoire espagnol et qui est migrant. 

Au max ils te font des contrats de 3 mois. Pour se régulariser por arraigo en Espagne, tu dois rester sur le territoire espagnol pendant 3 ans en accumulant les preuves documentaires de ta permanence  et tu dois avoir un contrat de travail d’un an. Les femmes migrantes travailleuses du sexe ne peuvent donc pas obtenir la regularité sur le territoire de manière legale et elles sont completement paralisés. Elles combinent souvent le travail du sexe avec un autre travail très precaire. Elles continuent d’arriver malgré les complexités qu’elles vivent ici. 

Je participe à des études avec une étude comparative entre les travailleuses agricoles journalières de Gerona sud américaines et celles qui font la récolte de fraises de Almeria, qui sont marocaines. Ces dernières vont vivre dans los asentamientos chabolistas ( établissements informels en FR, insediamenti informali en ITA ). 

Les travailleuses de Gerona, comme celle de Almeria, combinent le travail agricole avec les services domestiques, mais c’est super complexe de se faire embaucher parce que les propriétaires agricoles préfèrent les hommes. Les travailleuses latinoamericaines finissent par exercer la prostitution de manière classique, alors que les marocaines finissent souvent par se chercher un copain, un petit ami qui les protége. Si elles faisaient de la prostitution, en étant dans en environemment très traditionnaliste, elles se feraient harceler sexuellement tout le temps dans ces asentamientos chabolitas. 

La prostitution est une institution comme les abolitionnistes disent, et je suis d’accord. C’est une institution qui est sûrement traversée par le patriarcat. Mais ce qui change c’est que c’est une stratégie économique qui permet aux femmes d’exploiter le patriarcat à son propre avantage. En Espagne la ley de extranjeria  ne permet pas aux femmes migrantes d’évoluer dans leur propre parcours migratoire ou elles n’ont pas de droits et ou elles n’ont pas moyen de prendre de décisions. Et elles finissent parfois par acheter un faux contrat de travail d’un an pour se régulariser pour 9.000 ou 10.000 euros, en plus de ce qu’elles ont dû dépenser pour passer la route migratoire. 

Entretien réalisé par Walter Guido Rossi